vendredi 6 février 2009

Slumdog Millionaire

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Un film avec des Indiens, qui se passe en Inde, mais qui n’est pas indien. Et qui cartonne apparemment partout dans le monde ; en Inde, c’est la ruée pour aller le voir, malgré les commentaires de beaucoup qui avancent que ce genre d’histoire ne reflète pas la réalité des gens habitant dans les slums de Mumbai. Oui, tous les gamins des slums ne vivent pas la rocambolesque histoire de Jamal. Jamal gagne 20 millions de roupies (environ 300 000 euros, dans un pays où le salaire moyen est de 1500 rs par mois, soit 25 euros, je vous laisse imaginer ce qu’une telle somme peut représenter) à l’édition indienne de Qui veut gagner des Millions ?. Jamal a 18 ans et est loin de faire partie de la nouvelle classe moyenne aisée et éduquée ; il vient de Dharavi, le plus gros bidonville d’Asie, et gagne sa vie comme chai-wallah dans un call-centre- le chai-wallah est celui qui apporte le thé dans les bureaux, et la pause chai, c’est sacré en Inde, un peu comme l’apéro chez nous-. Mais il réussit à répondre à toutes les questions car il a vécu les réponses. Il les appris de ses vagabondages dans le slum et à travers l’Inde, de la mendicité organisée qui l’a exploitée, de son métier comme chai-wallah, bref de ses 18 années passées sur terre. Un gamin des rues qui gagnent 20 millions de roupies sans tricher, cela paraît incroyable : il est alors arrêté par la police qui essaye de lui faire cracher le morceau. Morceau qui sort petit à petit, morceaux du tumultueux cours de sa vie.

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Le film, tiré du roman de Vikas Swarup, est remarquable. Les plans, la photo, la musique sont recherchés, originaux et entraînants : le jeu des acteurs d’une grande qualité, et non pas surjoué comme dans les habituels Bollywood. L’histoire est prenante. Mais surtout, la vision de l’Inde est juste. Certes, il ne faut pas oublier que cela reste de la fiction et que des histoires comme celle-ci sont presque improbables. Certains gamins peuvent avoir vécu l’un ou l’autre des événements, mais tous n’ont pas la vie de Jamal et de Sélim. Néanmoins, les bidonvilles du film sont bien ceux que j’ai vu en me promenant dans Dharavi : le culte voué à Amitabh Bhachan, bien réel : les émeutes anti-musulmanes conduites par des nationalistes hindoues fanatiques, une réalité : les mafias qui organisent la mendicité et estropient des enfants, un fait que l’on croise tous les jours : l’arnaque aux touristes, du vécu- bien que je ne me sois pas fait autant entubé par les touristes américains en Mercedes, rassurez-vous, cela n’arrive pas tous les jours-.
Sans vouloir céder au misérabilisme, oui, l’Inde moderne est aussi ce grand merdier géant qui fonctionne cependant, sans que l’on arrive toujours à saisir comment. Il y a Bangalore et il y a Dharavi. Le plus grand slum du continent menace d’ailleurs d’être rasé et les habitants relogés dans des gratte-ciel. Le prix de l’immobilier grimpe à Bombay, c’est donc la course pour reloger le plus de gens sur le moins de surface possible. Certes, des considérations hygiéniques rentrent aussi en jeu : les rivières transformées en déchetteries, les égouts à ciel ouvert et les latrines communes sont des catastrophes sanitaires. Et la volonté d’assainir cette partie de la ville est plus que louable. Heureusement que celle-ci est rentable, car sans ces considérations pécuniaires, le slum resterait en l’état. Or deux problèmes se posent. D’une part, Dharavi a construit sa propre économie : fabriques, magasins, ateliers sont une immense source de richesse que se soit pour le bidonville comme pour la ville. Or comment continuer de tenir son échoppe au 7ème étage d’une tour ? Ou replacer tous ces petits ateliers qui abondent à Dharavi ? De plus, il n’est pas difficile de remarquer que les gens arrivant de leurs campagnes iront construire des slums ailleurs, car où habiter lorsqu’on est sans ressources ? Le problème ne sera finalement que déplacé, et masqué, comme souvent en Inde…

Bref, courrez voir Slumdog Millionaire !

2 commentaires:

Brice a dit…

Assez d'accord avec toi. C'est vraiment un super film.

Anonyme a dit…

Je partage cet avis. Ce film emporte le spectateur à travers l'Inde, ses misères, ses beautés, ses contradictions, ses espoirs, ses horreurs... C'est une magnifique histoire d'amour. Je comprends aussi que certains Indiens aient été humiliés... Ce film n'est pas un documentaire, c'est une fiction avec un scénario fort original. C'est magnifiquement filmé et servi par une musique si juste.
J'ai adoré, je l'ai vu deux fois et ce n'est pas fini. J'incite toutes mes connaissances à voir Slumdog Millionnaire!